C'est un sujet que je trouve très intéressant, manière transversale d'aborder le climat d'une région, à travers sa représentation dans les mythes populaires.
Je profite donc d'une récente acquisition, un bouquin sur les mythologies populaires en Charente Maritime, pour vous en faire un bref et partiel compte-rendu.
Premier et immédiat constat (qui a motivé ce topic) : si le temps calme ou les évènements hivernaux font évidemment l'objet de dictons et de croyances populaires, l'orage reste un grand thème récurrent dans la mythologie météo, et même la mythologie en général de la région. L'orage dans tous ses états, bienfaisant par ses pluies ou destructeur voire meurtrier.
Petit florilège :
On cherche à se protéger de l'orage et de ses avatars en faisant sonner les cloches, on le déclenche parfois avec la "corde à virer le vent", en battant l'eau des rivières. Pratiques qui se retrouvent certainement dans d'autres régions.
Il paraît que les curés de Saintonge étaient réputés pour provoquer les orages et la grêle par sorcellerie. On disait même qu'ils montaient dans les nuages pour les brasser et les diriger à leur guise pour faire grêler sur certaines terres et pas sur d'autres. Fallait le faire quand même...
Au début du XXème siècle (ou plutôt fin XIXème faudrait que je vérifie), un pionnier-martyr de la chasse à l'orage, abbé de son état, prenait des clichés d'un orage à Montlieu, jusqu'à ce que se déclenche une averse de grêle : résultat des courses, les paysans saintongeais le voyant manigancer des trucs bizarres avec un engin bizarre, lui sont tous tombés dessus avec piques et fourches, l'accusant d'avoir provoqué la grêle ! Le malheureux n'a du son salut qu'à la fuite.
Et après ça, on s'étonne qu'il n'y ait pas de chasseurs d'orage en Charente Maritime...
Le premier évêque de la ville de Saintes était Saint Eutrope. Mort foudroyé lors d'un violent orage (qui a été décrit précisément dans le récit imagé de son "martyre"), le saint possèdait lui aussi entre autres facultés celle de contrôler les phénomènes météo. Les thèmes de l'arbre et de l'orage sont au centre de la légende de St Eutrope saint guérisseur, marqué par la fête du 30 avril (date supposée de sa mort).
Les sorcières se transforment ou se réincarnent dans les tourbillons de poussière, d'où le nom donné à ceux-cis par le langage populaire. "Les sorcières se lèvent" disent les gens quand un dustdevil bien formé se lève à un carrefour (lieu où les sorcières étaient enterrées).
Au château des Marattes, le Diable qui dansait avec une jeune fille de Ré, se voyant découvert et éconduit, se sauve dans la cour, se transforme en tourbillon et s'enfuit, non sans avoir d'abord déraciné un orme.
Une autre tornade (probablement réelle celle-là) en 1616 à Talmont /Gironde a été décrite comme le combat d'un dragon de très grande taille contre un serpent, les deux se fritant comme des chiffonniers, s'abattant sur la ville et y causant des dégâts, puis remontant pour retomber à nouveau dans l'eau en la faisant jaillir... La métaphore du dragon serait d'ailleurs d'usage chez les marins pour désigner les trombes marines.
Mal mariée, une demoiselle des Brousses aime un beau seigneur, Roger de Varaize, qui a pactisé avec le Diable. Le jour du mariage, il prend d'assaut le santuaire en même temps qu'un ouragan s'acharne sur l'église et le clocher, provoquant la perte de la cloche... et la mort de la malheureuse jeune fille.
Une malédiction de la fée Mélusine, dirigée contre un seigneur cupide et pilleur d'épaves, serait responsable de la destruction progressive des murailles de Chatelaillon, ville alors puissante, par les tempêtes et la mer déchaînée... La dernière tourmente en 1709 aurait sonné le glas de l'orgueilleuse ville en balayant les ruines des 7 dernières tours et en provoquant l'effondrement de la falaise. Et favorisant du coup l'essor de La Rochelle comme port principal... (?)
Et j'en passe et des meilleures. Tout un monde fantastique, monde de l'imaginaire collectif régional, et miroir subjectif du climat local. Passionnant...